Babyson Pierre, militant de la UIT-QI
Tout indique que l’assassinat du président de facto d’Haïti, Jovenel Moïse, était un coup d’Etat par des secteurs du régime lui-même, en alliance avec le crime organisé et la complicité du gouvernment des États-Unis. Tous les détails du complot criminel ne sont pas clairs, et il n’y a aucune raison de faire confiance aux polices nationales haïtienne et colombienne, ainsi qu’au FBI, qui dirigent l’enquête. Ce crime, en réalité un coup d’Etat, reflète l’extrême décomposition du régime issu en 2004 et soutenu par la MINUSTHA et le Core Group impérialiste. Il s’agit d’une tentative reactionnaire de surmonter l’extrême faiblesse de Moïse, dépourvu de toute base de soutien significative, par une partie du régime lui-même, réinstallant quelques lueurs d’ordre capitaliste et mettant en retrait la classe ouvrière, qui se mobilise depuis 2018. La gauche et l’opposition en général ont rejeté à juste titre cet assassinat. Cet assassinat a fait échouer la possibilité de traduire en justice l’un des grands protagonistes de la corruption de la dernière décennie.
Le crime impliquait des mercenaires des forces armées colombiennes, formés par les États-Unis. Les tueurs à gages ont été employés par une société de sécurité appartenant à un émigré vénézuélien de droite basé à Miami, et ont agi avec la complicité de membres de la garde présidentielle. Un ancien membre du service de renseignement de Moïse est accusé de faire partie du commanditaire. Des articles de presse établissent également un lien avec le Premier ministre sortant, Claude Joseph. Moins de 48 heures de temps avant le crime, Joseph avait été démis de ses fonctions de premier ministre par intérim, mais il s’est accroché à son poste et a obtenu la reconnaissance de facto des secteurs policier et militaire. Dès le 7 juillet, il décrète l’état de siège et demande des troupes d’occupation au gouvernement américain. Le Core Group, qui l’avait initialement reconnu, a choisi de demander à Ariel Henry de former un gouvernement le 17 juillet, et il a suffi d’une déclaration pour régler en quelques heures les conflits de succession après la mort de Moïse.
Cui bono ?
L’un des points de départ de l’établissement d’une liste de suspects est la fameuse question de savoir à qui profite le crime. Étant donné la profondeur de la crise politique, économique et sociale, la liste des ennemis réels ou potentiels de Moïse est énorme et comprend des secteurs de son propre parti. Le résultat immédiat de ce crime est que le premier ministre intérimaire Claude Joseph a pris le pouvoir, alors qu’il avait été démis de ses fonctions deux jours auparavant par Moïse, qui avait nommé Ariel Henry comme nouveau premier ministre avec pour mandat de former un cabinet d’unité nationale avec certains secteurs de l’opposition. À la tête de la ligne de succession se trouvait le président de la Cour Suprême René Sylvestre, qui est décédé du COVID-19 le 24 juin, deux semaines seulement avant l’assassinat.
Tant Joseph comme Henri, ainsi que le président du Sénat, Joseph Lambert, ont prétendu être le chef de l’État. Enfin, le Core Group a décidé, à la manière d’une autorité coloniale, qu’il soutenait Henry pour former un cabinet, préjugeant de la possibilité d’un gouvernement de transition avec le soutien des organisations populaires et d’opposition. Le parti d’Aristide, Fanmi Lavalas, a rejoint le nouveau gouvernement avec un ministre, démontrant une fois de plus son caractère collaborationniste.
Les médias colombiens, citant des sources présumées au sein de l’équipe d’enquête, ont affirmé que Claude Joseph, maintenant au poste de chancelier, a participé à une réunion avec des mercenaires colombiens lors de la planification de l’attaque et qu’il était à la tête du complot. La réunion aurait eu lieu en novembre 2020 à Miami, avec la participation de la CTU (Counter Terrorist Unit Federal Academy), l´entreprise du vénézuelien de droite, Antonio Intriago. Un médecin et pasteur évangélique de droite, Christian Emmanuel Sanon, qui vit à Miami, et l’ancien sénateur d’opposition John Joel Joseph, du parti Inite de l’ancien (feu) président Préval, ont également participé à la réunion. Sont également cités comme faisant partie du complot l’ancien fonctionnaire Joseph Felix Badio, membre de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), membre du renseignement et inspecteur de la Police Nationale jusqu’en mai de cette année ; ainsi que le trafiquant de drogue Rodolphe Jaar ayant des liens avec la Floride et informateur de la DEA, ainsi que Joseph Vincent.
La Police Nationale Haïtienne a nié que les enquêtes incriminent Claude Joseph, mais la presse colombienne a rapporté que trois mercenaires ont cité le nom de Joseph lors des interrogatoires, et que des photographies et des conversations téléphoniques ont été mises en évidence. Selon cet article de journal, les mercenaires n’avaient pas de plan de fuite car ils s’attendaient à être protégés par Joseph. Le fait que la plupart d’entre eux aient été capturés près de la résidence présidentielle de Pétionville, y compris les trois qui ont été tués et les onze capturés à l’ambassade de Taïwan, semble indiquer qu’il n’y avait pas de plan d’évasion, ou que ce plan a été avorté ou a complètement échoué.
L’hypothèse officielle jusqu’à présent est que tout a été planifié depuis Miami. Sanon, un évangéliste mégalomane, était à la tête d’une conspiration avec le soutien d’Itriago, qui avait accepté de financer partiellement l’opération en échange de promesses de paiements futurs avec des actifs de l’État haïtien. Les autres personnes impliquées étaient l’homme d’affaires équatorien Walter Veintemilla du Worldwide Capital Lending Group basé en Floride et Gordon Phenil Desir. Est également impliqué Arcángel Pretelt, un mercenaire colombien lié au gouvernement américain, qui a été témoin dans un procès aux États-Unis contre un ancien membre des FARC.
Cependant, ce que cette hypothèse n’explique pas, c’est comment, dans ce schéma, l’assassinat de Moïse pouvait porter au pouvoir un personnage inconnu, sans soutien politique, comme Sanon. Ni Sanon ni Itriago ne sont des capitalistes ayant la capacité de financer une opération mercenaire d’envergure. La seule chose qui pouvait donner au coup des mercenaires une perspective de succès était que des éléments du gouvernement soient impliqués dans sa direction. Si Moïse a été torturé pour signer une démission, cela indiquerait un intérêt à ce que le coup d’État maintienne un semblant de succession légale, ce qui profiterait à des éléments du régime, et non à Sanon directement.
À tout cela s’ajoute un fait de grande importance : les 23 membres de la sécurité de la résidence présidentielle n’ont opposé aucune résistance à l’attaque. L’un des mercenaires aurait avoué lors des interrogatoires qu’il y avait une coordination avec ces gardes pour leur ouvrir la porte d’entrée de la résidence. Aucun de ces membres de la sécurité présidentielle n’a été blessé ou tué dans l’attaque. Les assaillants se sont présentés comme des agents de la DEA. L’ambassade des États-Unis a-t-elle été contactée par la résidence présidentielle pour vérifier si elle était au courant d’une telle opération ? La DEA a admis que l’un de ses informateurs impliqués a pris contact avec l’agence après le crime. Il n’est pas clair s’il s’agit de Pretelt, Vincent ou Jaar.
Le chef de la sécurité présidentielle, Dimitri Herard, qui faisait déjà l’objet d’une enquête pour trafic d’armes, se serait rendu en Colombie en janvier et en mai. Selon certaines versions, il aurait participé à l’embauche de mercenaires colombiens avec l’accord de Moïse, étant entendu qu’ils seraient utilisés pour combattre les gangs. À ce jour, des membres de la sécurité présidentielle ont été placés en détention provisoire, cinq membres de la police ont été arrêtés, cinq américains d’origine haïtienne ont été arrêtés, 18 mercenaires colombiens ont été arrêtés, cinq sont en fuite et trois mercenaires ont été tués lors d’affrontements avec la police.
Il y avait aussi des contacts dans l’État haïtien pour organiser les visas des mercenaires. Magalie Habitant, l’une des principales figures du PHTK, est accusée d’avoir fourni l’une des maisons dans lesquelles les mercenaires ont séjourné, bien qu’elle ait nié.
Un autre secteur qui ne pourrait pas être laissé de côté dans une enquête indépendante sur le crime serait l’oligarchie haïtienne, avec laquelle Moïse a affirmé avoir des conflits sur des questions telles que les contrats de génération d’électricité. Certains éléments indiquent qu’en développant des caractéristiques de plus en plus bonapartistes, Moïse a perdu le soutien d’au moins un secteur de l’oligarchie. On sait, par exemple, que le multimillionnaire Reginald Boulos a fait des efforts aux États-Unis pour obtenir un soutien en tant que candidat à la présidence, en utilisant une société de lobbying liée à l’ancienne membre du Congrès Ross-Lehtinen, d’extrême droite à Miami, précisément la ville où le crime a été planifié.
L’implication de l’impérialisme et de l’uribisme
La réalisation d’une attaque mercenaire planifiée aux États-Unis contre un gouvernement des Caraïbes a de nombreux précédents dans les opérations terroristes de la droite de Miami contre le gouvernement cubain entre les années 1960 et 1990, avec la complicité du gouvernement impérialiste. A eu lieu également un précédent dans l’attaque mercenaire de l’année dernière contre la dictature de Maduro, qui a échoué d´une maniére scandaleuse et a impliqué de la même manière la droite vénézuélienne dans la signature d’un contrat selon lequel le coût de l’opération serait payé avec des actifs de l’État vénézuélien.
La différence est que le gouvernement de Moïse était ouvertement pro-impérialiste et était soutenu par les Etats-Unis par le biais du Core Group. Cependant, en raison de la faiblesse du régime et des penchants dictatoriaux de Moïse, qui le conduisent à agir de plus en plus unilatéralement, il commence à générer des frictions avec les États-Unis, par exemple en poussant à un projet d´une réforme constitutionnelle sans soutien significatif de la bourgeoisie haïtienne. Il est possible que le gouvernement américain ait laissé l’attaque se dérouler sans réagir. N’oublions pas que par le passé, les États-Unis ont soutenu l’assassinat de dictateurs dont ils avaient perdu le contrôle, comme dans le cas de Trujillo en République Dominicaine en 1961, ou même envahi des pays dont ils avaient soutenu les dictateurs pendant de nombreuses années, comme en Irak et au Panama. Business as usual.
Le chef de l’invasion mercenaire contre Maduro, Jordan Goudreau, n’a pas été condamné aux États-Unis. Nous constatons aujourd’hui qu’en dépit de toutes les preuves incriminant Antonio Itriago dans l’assassinat de Moïse, il n’a pas encore été arrêté ni poursuivi aux États-Unis. Cela indique déjà un niveau significatif de complicité de l’impérialisme dans le crime. Itriago est connu pour avoir eu des liens en tant que fournisseur d’armes avec la police locale aux États-Unis. L’implication d’informateurs de la DEA dans l’assassinat et d’un ancien agent de sécurité de l’ambassade du Canada a également été prouvée.
Les appels des secteurs de l’impérialisme pour une invasion d’Haïti après l’assassinat ont continué à se faire entendre, y compris un éditorial dans le Washington Post. Le gouvernement de M. Biden a annoncé l’envoi de troupes en Haïti, limitées à la garde de son ambassade, mais sans exclure la possibilité de futures occupations. De plus, il maintient son ingérence flagrante dans la politique intérieure d’Haïti en envoyant une commission du Département de Justice et de Homeland Security pour rencontrer Jospeh, Henry et Lambert (les trois hommes politiques qui réclament la succession de Moïse) ; et par les prises de position du Core Group.
Le président colombien Iván Duque, un membre pro-Uribe, a également appelé à une intervention étrangère, par le biais de l’OEA. Quant à l’implication du régime colombien, les preuves sont nombreuses et les implications possibles à tous les niveaux. Une photo d’Itriago avec le président colombien a été publiée. On sait également que l’un des mercenaires arrêtés est un parent d’un conseiller présidentiel, un lien reconnu par le fonctionnaire lui-même.
Selon la police colombienne, en plus de la société CTU de Miami, quatre sociétés colombiennes ont participé au recrutement des mercenaires, tous des militaires à la retraite entre 2018 et 2020. L’un des mercenaires, Francisco Eladio Uribe, faisait l’objet d’une enquête pour avoir participé à la politique d’exécutions extrajudiciaires menée par Uribe en 2008. Les anciens officiers militaires les plus haut placés dans le commandement des mercenaires étaient Carlos G. Guerrero Torres, un lieutenant-colonel à la retraite, et le capitaine Germán A. Rivera.
L’une des conséquences du terrorisme d’État soutenu par les États-Unis en Colombie a été que les militaires de ce pays, doté d’une grande expérience dans la perpétration de massacres et la coopération avec les groupes paramilitaires d’extrême droite, a rejoint l’industrie internationale du mercenariat, travaillant comme tueurs pour des entrepreneurs de sécurité au Moyen-Orient, en Afrique, dans des pays d’Amérique centrale, ainsi que pour des groupes de trafiquants de drogue. Beaucoup de ces mercenaires sont formés par les États-Unis et Israël.
Enfin, il convient de déterminer si des militaires ou policiers corrompus dominicains ont participé à l’opération. Une partie au moins de la planification aurait eu lieu dans un hôtel de Saint-Domingue, il a été prouvé que les mercenaires sont entrés par le territoire dominicain et qu’ils ont contracté les services de la société Helidosa, appartenant á un dirigeant du PLD Gonzalo Castillo. Bien que le gouvernement Abinader ait été un allié de Moïse et ait exprimé son soutien public à son projet de réforme constitutionnelle en échange d’un soutien à la construction d’un mur frontalier, cette alliance était conditionnée par la subordination des deux à l’impérialisme américain. Il existe également d’importants antécédents de soutien dominicain au coup d’État en Haïti. Le gouvernement de Hipólito Mejía, du même parti qu’Abinader, a soutenu les chefs de coup d’État paramilitaires Guy Phillipe, Ernest Ravix et Jodel Chamblain en 2004. La commission mise en place par l’ancien procureur américain Ramsey Clark a vérifié le soutien de Mejía et de Bush au coup d’État. Puis, en 2012, l’officier militaire Pedro Julio « Pepe » Goico, également lié au parti d’Abinader, a été accusé de participer à un complot de coup d’État contre Martelly. L’affaire a été rejetée pour des raisons techniques douteuses.
L´assassinat s’inscrit dans le processus de décomposition du régime issu du coup d’Etat de 2004
Contre le discours pro-impérialiste qui assigne aux Etats-Unis et à l’ONU un rôle pacificateur dans un pays ingouvernable, nous devons établir le rôle réel de l’impérialisme dans la crise haïtienne. Cette crise s’inscrit dans le bilan du chaos et de la destruction laissés par le coup d’État pro-américain de 2004 et les treize années d’occupation militaire de l’ONU. Ce sont les envahisseurs qui ont imposé Martelly au pouvoir en 2011, un chantre de la droite lié au duvaliérisme et aux pro-Coup d´État de 1991. Bien qu’il soit arrivé quatrième au premier tour, l’impérialisme a fait pression par le biais de l’OEA pour qu’il aille au ballotage. L’année suivante, le PHTK a été créé.
Le soi-disant « progressisme » sud-américain a non seulement collaboré avec l’impérialisme en envoyant des milliers de soldats brésiliens, argentins, boliviens, équatoriens et uruguayens envahir le pays dans le cadre de la MINUSTAH. En plus, le gouvernement vénézuélien, par le biais de Petrocaribe, a financé le régime à hauteur de quatre milliards de dollars, dont une grande partie est allée dans les poches de la droite corrompue. Moïse a participé en tant qu’homme d’affaires et en tant que dirigeant à ce vol massif. L’un des exemples emblématiques de cette corruption est le sénateur PHTK Rony Célestin, propriétaire d’un manoir de 4,25 millions de dollars au Québec.
En 2015, une tentative a été faite pour imposer Moïse électoralement, mais la fraude a été si scandaleuse que l’élection a finalement été annulée en juin 2016. Lors d’un nouveau scrutin, au milieu d’une très forte abstention, Moïse l’emporte au premier tour. Dès sa création, le gouvernement de Moïse était sous le coup de l’illégitimité. La crise économique au Venezuela a entraîné une réduction des subventions de Petrocaribe et le gouvernement de Moïse, en accord avec le FMI, a tenté d’augmenter les prix du carburant. Cela a conduit aux premiers soulèvements populaires du 6 au 9 juillet 2018, qui a obligé le gouvernement à faire marche arrière. Plus tard dans l’année, des manifestations ont commencé à exiger que justice soit faite pour la corruption au sein de Petrocaribe. Une nouvelle victoire a été obtenue avec le rapport de la Cour des Comptes de mai 2019, qui incrimine Moïse, Martelly et d’autres membres du régime dans des affaires de blanchiment d’argent et de détournement de fonds.
Moïse n’a pas réussi à organiser des élections qui devaient avoir lieu en 2019 et, début 2020, appliquant la loi à la lettre, il a dissous la chambre basse, révoqué les maires et laissé le sénat sans quorum, car son mandat légal avait expiré. Toutefois, il n’a pas respecté la loi à l’expiration de son propre mandat. Sous la direction d’un ancien policier, Jimmy Cherizier, une confédération de gangs se forme en juin 2020 sous le nom de G9. Le gouvernement a cherché à conclure un pacte avec ces gangs en leur fournissant des zones sûres en échange de la « paix ». Cet accord a fait naître des soupçons quant à l’utilisation des gangs comme dispositifs paramilitaires contre les secteurs d’opposition, par exemple le massacre du 30 juin de cette année au cours duquel le journaliste Diego Charles et l’activiste d’opposition Antoinette Duclaire de Matris Liberasyon ont été tués dans le quartier Delmas 32 de Port-au-Prince. La violence des gangs a provoqué le déplacement d’au moins 18 000 personnes ces derniers mois dans des zones périphériques de la capitale comme Martissant, Fontamara, Bel-Air, La Saline et d’autres quartiers populaires.
Cette alliance n’a pas été durable et n’a pas apporté d’apaisement, mais plutôt une recrudescence des enlèvements avec demande de rançon et de la violence. Les groupes du G9 se lancent à la conquête de territoires contrôlés par des groupes rivaux. Ces groupes ont des intérêts particuliers et contrôlent des entreprises lucratives d’extorsion et de trafic de drogue.
Malgré la position de faiblesse de Moïse, non seulement il est resté au pouvoir sans Parlement, gouvernant par décret, en plus il a refusé d’organiser des élections présidentielles et a même tenté d’imposer une réforme constitutionnelle en quête d’une réélection immédiate, la suppression du premier ministre et des pouvoirs accrus pour la présidence. Moïse avait rompu avec Martelly, selon certaines versions. Même l’impérialisme, qui avait soutenu Moïse par le biais du Core Group dirigé par les États-Unis et l’Union Européenne, a commencé à douter de sa capacité à contrôler la situation et a recommandé d’élargir le consensus au sein de la bourgeoisie haïtienne au lieu d’avancer unilatéralement.
Conclusions :
L’assassinat de Moïse a impliqué des éléments mercenaires colombiens, un sous-produit du terrorisme d’État dans ce pays. Le crime a été planifié aux États-Unis et a été financé et soutenu logistiquement par une société basée aux États-Unis appartenant à un partisan vénézuélien de Guaidó et probablement lié au gouvernement de Duque. Comme pour l’invasion mercenaire du Venezuela par Goudreau, les personnes impliquées n’ont pas été poursuivies légalement aux États-Unis. Le régime a été impliqué dans le crime, ce qui explique à tout le moins la complicité de la garde présidentielle dans l’attaque.
Compte tenu de sa nature aventuriste et pro-Coup d’Etat, ce crime doit être rejeté, tout comme le rôle de l’impérialisme. Une enquête indépendante menée par des personnes aux compétences scientifiques et professionnelles reconnues en Haïti et de la diaspora est nécessaire pour faire toute la lumière sur cette affaire. Nous ne faisons pas confiance aux autorités haïtiennes, colombiennes et américaines qui enquêtent sur cette affaire. En Colombie et aux États-Unis, le mouvement populaire et la gauche doivent également exiger des enquêtes indépendantes sur le rôle de leurs États respectifs.
Dans l’immédiat, le mouvement ouvrier et populaire doit se réorganiser autour de revendications qui lui permettront de prendre l’offensive sur le terrain de la mobilisation :
– Non à l’ingérence impérialiste dans les affaires haïtiennes
– Pour un gouvernement de transition des organisations ouvrières et populaires qui garantit des élections avec des garanties pour tous les secteurs.
– Organiser l’autodéfense du peuple et des travailleurs contre les gangs et les mafias
Dans le même temps, nous devons répondre à la brutale crise économique et sociale par des demandes d’urgence : suspendre le paiement de la dette extérieure et utiliser toutes les ressources possibles pour lutter contre la faim, fournir un abri aux personnes déplacées par la violence, et surmonter le manque chronique d’eau courante, d’électricité et de gaz domestique.
La solidarité du mouvement syndical et de la gauche internationale est cruciale pour soutenir les revendications aux puissances impérialistes, les États-Unis et la France, de payer les réparations pour l’extorsion faite contre Haïti après son indépendance, et pour les occupations et les coups d’État promus par les États-Unis au 20e siècle. Ces revendications doivent être discutées avec l’ensemble de l’opposition et de la gauche haïtienne. En les soulevant dans l’unité, nous pouvons obtenir d’importantes expressions de solidarité internationale et postuler notre propre alternative politique aux yeux de millions d’Haïtiens qui ont déjà vu toutes les fractions de la bourgeoisie échouer dans la tâche de mener Haïti sur la voie de la prospérité et de la justice sociale.