Miguel Sorans, membre de la direction d’Izquierda Socialista – Argentine et de l’UIT-QI
8 juillet 2024. Lors du second tour des élections législatives du 7 juillet, l’extrême droite de Marine Le Pen, qui espérait remporter les élections et obtenir la majorité absolue pour prendre le pouvoir, a subi une défaite électorale inattendue et retentissante. Le coup est rude. En boxe, on dirait : « Il est tombé sur le tapis. » Il est passé de la première place au premier tour à la troisième.
La première place est revenue au Nouveau Front populaire (NFP), parti de gauche, qui, selon les derniers résultats officiels, a obtenu 182 députés dans la nouvelle Assemblée nationale, alors qu’il en avait 153. En deuxième position, le parti progouvernemental Ensemble d’Emmanuel Macron a obtenu 168 députés, soit beaucoup moins que les 250 qu’il avait. Enfin, le Rassemblement national (RN) de Mme Le Pen, qui pensait déjà avoir gagné, arrive en troisième position avec 143 députés.
Les célébrations de l’extrême droite française et mondiale ont donc été étouffées. Elle a étouffé non seulement Marine Le Pen et son candidat Jordan Bardella, qu’elle voyait déjà premier ministre, mais aussi les Meloni d’Italie, les Bolsonaros, Milei, les fachos de Vox en Espagne, les Chega du Portugal et le même facho, raciste et misogyne Trump.
La joie s’est propagée à des milliers et des milliers de travailleurs et de jeunes qui faisaient la fête dans les rues de France, en particulier sur la place Stalingrad à Paris, qui commémore la grande bataille de la Seconde Guerre mondiale où Hitler et le Troisième Reich ont commencé d’être vaincus. Il y avait des jeunes avec des drapeaux palestiniens et des affiches répudiant le génocide de l’État sioniste d’Israël. Il y avait des milliers de personnes qui avaient mené les grèves et les marches massives, en 2023, contre la réforme réactionnaire des retraites de Macron.
C’est précisément leur participation massive au scrutin qui a mis fin au possible triomphe électoral de l’extrême droite. Le second tour a enregistré un taux de participation record de 67,1 %.
Lors des élections au Parlement de l’Union européenne (UE) du 9 juin, un vote de sanction avait été exprimé contre les gouvernements capitalistes, qu’ils soient de centre-droit (Macron) ou de centre-gauche (la social-démocratie de l’État espagnol ou de l’Allemagne). Il s’est exprimé avec une forte abstention et un vote erroné élevé pour des secteurs de la droite libérale (Allemagne) et de l’extrême droite (France et Italie). En France, il était déjà acquis que l’extrême droite consoliderait cette tendance avec le « triomphe historique » annoncé de Marine Le Pen. Son échec a démenti ces prévisions et a montré que la classe ouvrière française et sa jeunesse militante et pro-palestinienne ne sont pas vaincues.
Les élections britanniques du 4 juillet ont également ralenti ou relativisé la tendance électorale vers l’extrême droite. Le Parti travailliste (PL), centre-gauche britannique, y a balayé 14 années de règne des héritiers conservateurs de Margaret Thatcher. Il s’agit de la plus lourde défaite électorale du Parti conservateur dans sa longue histoire de domination impérialiste. Nous savons que le Parti travailliste fait partie d’un centre-gauche qui a déjà gouverné au service de la bourgeoisie impérialiste britannique, avec Tony Blair entre autres. Mais, ce qui est important, c’est que des millions de travailleurs britanniques ont sanctionné la droite conservatrice par un vote de sanction, en l’occurrence, le PL, et non une variante d’extrême droite, reflétant de manière déformée les grandes grèves qui ont eu lieu de 2022 à 2023. En janvier 2024, par exemple, il y a eu une grève historique des médecins.
En France, l’autre grand perdant, outre la candidate d’extrême droite Le Pen, est Macron et son gouvernement de centre-droit, même s’il est arrivé en deuxième position. Déjà aux élections européennes et au premier tour, il n’a pas obtenu plus de 20 %. Il paie ainsi les politiques anti-ouvrières, anti-populaires et répressives de son gouvernement, telles que la réforme des retraites, les violences policières, la persécution des migrants et le soutien au génocide du peuple palestinien par Israël.
L’Unité internationale des travailleurs – Quatrième Internationale (UIT-CI) est également consciente que de nombreux électeurs du PFN l’ont fait le nez dans le guidon, pour faire barrage à Le Pen et à l’extrême droite. Cette coalition de centre-gauche et de gauche réformiste ne fait pas partie de la solution mais du problème, certains des membres qui figurent aujourd’hui sur leurs listes ont été au gouvernement ou ont même été présidents, comme François Hollande, du Parti socialiste (PS), qui a gouverné pour les multinationales et les grandes entreprises, contre la classe ouvrière. Il en va de même pour d’autres gouvernements dits de gauche, comme celui de Pedro Sánchez (PSOE) en Espagne ou celui d’Olaf Scholz (PS) en Allemagne. D’autre part, les autres membres du NFP, avec le PS, comme la France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, le Parti communiste (PC) et les directions des centrales ouvrières, ne sont pas allés jusqu’au bout en 2023 dans la lutte pour vaincre Macron et sa réforme des retraites. Ils ont, par exemple, refusé d’appeler à la grève générale,
Maintenant, ils veulent utiliser leur triomphe électoral pour conclure un pacte avec Macron afin d’aller vers un gouvernement partagé, en revendiquant d’avoir le premier ministre. En d’autres termes, s’intégrer dans un gouvernement capitaliste (« cohabitation »). L’histoire a déjà montré, en France même (avec François Mitterrand-PS, Président de la République française de 1981 à 1995), que les gouvernements de conciliation de classe finissent par appliquer les mêmes plans d’ajustements contre les travailleurs.
Depuis l’UIT-QI, comme courant de la gauche trotskiste internationale, nous pensons que la seule issue pour les travailleurs de France est de se préparer à poursuivre la lutte et ses mobilisations. Tant pour vaincre définitivement le danger de l’ultradroite que pour affronter le gouvernement Macron et ses futurs alliés, qui continueront à tenter d’appliquer de nouvelles attaques contre le niveau de vie des masses et de la jeunesse.
Les élections ne refermeront pas la grave crise politique bourgeoise en France. Il sera essentiel de revenir aux mobilisations pour la défense des salaires et des pensions, contre les lois migratoires, pour la défense des secteurs publics tels que la santé et l’éducation, et pour la défense du peuple palestinien.
L’UIT-QI a appelé à un vote critique, au second tour, pour les candidats du NFP afin de faire barrage à l’ultradroite. Dans les circonscriptions où le choix était entre Macron et Le Pen, nous avons proposé le vote nul ou l’abstention.
Nous avons été aux côtés des camarades qui sont allés se mobiliser et voter contre Le Pen et l’extrême droite. Il faut maintenant aller vers la formation d’un regroupement de forces, notamment celles qui se réclament du trotskisme, pour construire une alternative politique anticapitaliste et socialiste, en s’inspirant de l’expérience du Front de la gauche et des travailleurs (FIT-U) en Argentine. Une nouvelle alternative unie, d’indépendance politique de classe, au service des luttes, qui porte un projet économique ouvrier et populaire d’urgence face à la crise et qui se bat dans la perspective d’un gouvernement ouvrier.