Josep Lluís del Alcázar, Membre de la direction de Lucha Internacionalista (LI – État espagnol) et du secrétariat de l’UIT-QI
Deuxième tour des élections législatives. Un vote critique pour le Nouveau Front Populaire (NFP)
Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a remporté le premier tour des élections législatives en France, avec 33 % des voix : plus de 10 millions de suffrages, avec un taux de participation élevé (67 %). L’extrême droite canalise une grande partie du mécontentement populaire face à la dégradation des conditions de vie. La gauche institutionnelle du Nouveau Front Populaire (NFP) — avec La France Insoumise, les Verts, le Parti socialiste, le Parti communiste et une partie du trotskisme — a atteint 28 %. Tandis que la coalition du président Emmanuel Macron a sombré à la troisième place avec 20 %, payant les politiques anti-ouvrières, anti-populaires et répressives de ses gouvernements largement contestées (Gilets jaunes, réforme des retraites, violences policières, mobilisations dans les campagnes, soutien à Israël). Les Républicains, la droite traditionnelle de l’ancien président Nicolas Sarkozy, atteignent 10 %.
Face à la montée de l’extrême droite, la gauche parlementaire avait suscité le Nouveau Front Populaire (NFP) i. Ce Front populaire n’a pas répondu aux revendications ouvrières et populaires et à la montée de l’extrême droite, mais il n’y a pas eu de regroupement sur sa gauche. Il y a eu quelques candidats issus des organisations de la gauche révolutionnaire : Lutte Ouvrière a obtenu 350 000 voix, il y a eu aussi des candidats du Parti des travailleurs et de Révolution permanente.
Macron, un allié contre Le Pen ?
Le second tour aura lieu le 7 juillet. Pour le second tour, le Front républicain a été proposé pour « faire barrage à l’extrême droite », avec les partis de la coalition de Macron et celle du Nouveau Front Populaire. Il prétend se justifier comme une continuation du cordon sanitaire pour bloquer l’extrême droite, bien que le cordon ait déjà été rompu avec la crise du Front républicain, dans lequel un secteur avec son président Éric Ciotti à la tête a déjà basculé dans le bloc avec l’extrême droite.
Les partis de Macron et le NFP se sont engagés au second tour à retirer leurs candidats arrivés en troisième position dans les circonscriptions dans lesquelles le RN a gagné, dans le but de concentrer le vote anti-Le Pen. Le NFP a retiré 127 candidats et la coalition de Macron 82. Certains candidats à la présidence ont refusé de se retirer pour appeler à voter pour le Front populaire si le candidat de leur circonscription était issu de La France Insoumise, car ils affirment ne pas partager les valeurs « républicaines ».
Le Nouveau Front Populaire était déjà un accord de collaboration de classe qui subordonnait les intérêts de la classe ouvrière, mais le Front Républicain va plus loin, c’est directement la réhabilitation de Macron par la gauche parlementaire, parce qu’il présente Macron comme un moindre mal, comme un allié contre l’extrême droite, alors que c’est lui qui lui a ouvert la porte avec sa politique.
Les exemples sont éloquents. Dans le Calvados, le candidat LFI/NFP se retire au profit d’Elisabeth Borne, l’ancienne première ministre de Macron qui a promulgué la réforme des retraites. Il en va de même pour Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur depuis 2020. C’est sous ce ministre que la police a assassiné Nahel en juin 2023 et a ensuite brutalement réprimé les manifestations. C’est également Darmarin qui a introduit la loi raciste sur l’immigration adoptée en décembre, partiellement annulée par la Cour constitutionnelle parce qu’elle contenait des mesures discriminatoires telles que le refus d’accorder des prestations sociales aux migrants. Ils sont aujourd’hui responsables de la montée de l’extrême droite.
Cet accord implicite de la gauche parlementaire avec la droite de Macron trahit les mobilisations ouvrières et populaires et laisse l’extrême droite comme seul référent du rejet populaire des politiques des gouvernements Macron. Nous regrettons qu’un secteur qui se réclame du trotskisme, comme le Nouveau Parti Anticapitaliste-L’A ou le Parti Ouvrier Indépendant qui ont déjà intégré ou soutenu le NFP au premier tour, cèdent aujourd’hui à l’accord républicain qui les subordonne à Macron.
Ainsi, il n’y a aucune possibilité d’ouvrir une voie pour affronter un futur gouvernement d’extrême droite si nous ne remettons pas en cause les politiques de Macron. Il ne peut pas y avoir de vote ouvrier ou populaire non seulement pour l’extrême droite de Le Pen, mais aussi pour les candidats macronistes. Dans les circonscriptions dans lesquelles le choix est entre Macron et Le Pen, nous sommes pour le vote nul ou l’abstention.
Cependant, nous comprenons les espoirs que de nombreux travailleurs et jeunes placent dans l’unité de la gauche parlementaire du NFP pour faire barrage à l’extrême droite de Le Pen, qui menace les droits et les libertés. Il y a eu d’importantes mobilisations. C’est pourquoi, lors de ce second tour, l’Unité internationale des travailleuses et travailleurs – Quatrième Internationale (UIT-QI) soutient un vote critique pour les candidats du NFP afin d’affaiblir la force de l’extrême droite dans le prochain Parlement. Nous parlons d’un vote critique parce que le NFP ne fait pas partie de la solution, mais du problème, car lorsque les membres qui figurent aujourd’hui sur leurs listes ont été au gouvernement ou ont même été présidents comme François Hollande, ils ont appliqué des politiques au service du capital, comme le font aujourd’hui d’autres gouvernements dits de gauche comme dans l’État espagnol de Pedro Sánchez ou dans l’État allemand d’Olaf Scholz. C’est pourquoi, tout en luttant aux côtés des camarades qui se sont mobilisés contre l’extrême droite, un dialogue est nécessaire pour les convaincre que nous devons construire une alternative à gauche qui ferme la voie à Le Pen. Une alternative de rupture, anticapitaliste, qui réponde réellement aux besoins des travailleurs et du peuple.
Que l’extrême droite obtienne la majorité absolue et qu’il y ait un gouvernement de cohabitation avec Macron, ou qu’elle n’atteigne qu’une majorité qui ne lui permette pas de former un gouvernement, ces élections ne empêcheront pas la crise en France. Il sera indispensable de revenir aux mobilisations pour la défense des salaires et des pensions, contre les lois migratoires, pour la défense des secteurs publics, pour la défense du peuple palestinien. Et – comme le souligne la dernière déclaration des partis européens de l’UIT-QI (Espagne, Portugal, Italie et Turquie) – d’avancer vers la formation d’un regroupement de forces pour « construire une alternative anticapitaliste au service des luttes, engagée dans la construction d’un syndicalisme militant, qui élève un plan économique ouvrier d’urgence face à la crise et pour les gouvernements des travailleurs et des travailleuses »
3 juillet 2024